Nous avons toujours à apprendre des « anciens » !
« Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultam Lapidem », ce qui peut être traduit par : « Visite l’intérieur de la Terre, en rectifiant tu découvriras la Pierre Cachée ».
Tout ceci peut paraître obscur de prime abord, mais pas tant que cela lorsque l’on évoque la sagesse et l’expérience des « anciens » qui peuvent tant nous apporter dans notre vie tant personnelle que professionnelle.
Ce « billet d’humeur » fait suite au dernier rédigé par mes soins et relatif à MA ROBE (cf https://changeur.fr/droit-penal-droit-routier/ma-robe-une-belle-histoire-entre-elle-et-moi/).
J’y évoque le Bâtonnier GRANDON avec lequel j’ai eu l’honneur de plaider la semaine dernière, mais également le regretté Bâtonnier Jean REVEL
Je pourrais également parler de Jean-Claude WOOG qui nous a récemment quitté (https://www.annoncesdelaseine.fr/actualites/article/jean-claude-woog-nous-a-quittes/id-4922) et qui avait rédigé à l’attention des avocats dans les années 80 un ouvrage remarquable, intitulé « Pratique professionnelle de l’Avocat ».
Dommage d’ailleurs que cet ouvrage, toute en élégance ne soit pas distribué à tous les avocats fraîchement diplômés car il regorge de nombreux conseils et aide à mieux appréhender notre profession avec élégance, confraternité et humanité.
Je n’hésite pas du reste à le faire lire à mes collaborateurs juristes et avocats, tant il est formateur de s’y plonger !
J’ai pu découvrir cet ouvrage grâce à ma consoeur Fanny BAGOUET, qui m’avait accueilli au sein de son cabinet en qualité d’élève-avocat, en 1996 et qui à l’époque, avec ses yeux bleus rieurs, m’avait laissé sur mon petit bureau cet grand livre bleu, difficile à manipuler, d’apparence indigeste en m’incitant discrètement à le parcourir, ce que je fis sans relâche, de la première page à la dernière, tellement je le trouvais bien écrit, captivant, plein bon sens et d’élégance, une sorte de fil conducteur transmis par un avocat « à l’ancienne », le contraire d’un voyou, un Confrère, bref, un Vrai confrère !
Jean REVEL fut une sommité et fier que j’étais lorsque j’appris que son fils Jacques, très grand pénaliste, et lui-même, avaient décidé de me donner ma chance à leur côté en 1997, dès ma sortie de l’Ecole des Avocats.
Adresse incontournable : 28-30 Rempart DESAIX à Angoulême, dans cette maison bourgeoise d’un autre temps, pas d’ordinateurs, une secrétaire qui prenait en sténo, l’école de la vie pour le jeune avocat que j’étais, cumulant en quelques jours la joie d’être papa et celle de prêter serment pour enfin pratiquer l’un des plus beaux métiers au Monde !
Et tant pis si mon bureau au second étage était mal chauffé, et peu fonctionnel ! J’y trouvais mon compte et y étais tellement bien !
D’un côté Jean REVEL, approchant les 90 ans, lui aussi des yeux rieurs qui m’expliquait en détail les dossiers que je me devais de plaider pour son compte ; les justiciables allaient le voir pour son expérience et sa phénoménale renommée ; qu’importe s’il n’entendait plus vraiment ce que le client lui disait, il était devenu à son âge un homme de dossiers car il ne plaidait plus en raison des difficultés qu’il avait pour se déplacer ; mais ses dossiers, il les connaissait sur le bout des doigts, les bichonnait, trouvait tous les arguments qui faisaient mouche et même si le temps me manquait pour gérer tous les dossiers qui m’étaient confiés, je m’asseyais religieusement face à lui lorsqu’il m’y invitait et je l’écoutais Vivre son dossier et me donner des conseils en m’interpellant par des « cher confrère » qui raisonnent encore dans mes pensées les plus enfouies !
Jacques REVEL, le fils…68 ans, L’AVOCAT de la place…qui ne connaissait pas Jacques REVEL ?
Ses Chemises signées Thierry MUGLER grandes ouvertes laissant apparaître plusieurs chaînes en or dont l’une accueillait un énorme Pesos en or que l’un de ses clients gitans lui avait offert et qu’il avait transformé en bijou, l’ongle de son index droit curieusement recouvert d’un vernis noir ou rose pailleté en fonction de ses humeurs (je n’ai jamais compris la signification de ce rituel…), et malheureusement ses tremblements qu’il ne pouvait plus contrôler mais qui n’enlevait en rien la finesse de son esprit et sa grande gentillesse.
D’aucuns le surnommaient le « Eddy Barklay » d’Angoulême, les autres le « Grand Jacques ». Moi c’était Jacques et dès le premier jour à ses côtés il m’intimait de le tutoyer, ce que je fis sans sourciller mais tellement impressionné par l’Homme qui me faisait face !
Son expérience, je la recevais en pleine figure tous les jours, je buvais ses paroles lorsqu’il recevait ses clients parfois à mes côté ; il les écoutait quasi-religieusement, les mains croisées, le regard sérieux, et après avoir compris le problème et cela ne mettait pas longtemps je vous assure, il appelait sa secrétaire et lui dictait des pages et des pages de conclusions, le client en face de lui, les mains toujours croisées, un regard toujours on ne peut plus sérieux, une grande concentration, un silence de plomb et moi…les yeux grand ouverts apprenant, apprenant et apprenant encore…
Beaucoup de mes confrères ont été collaborateur du cabinet REVEL avant moi qui fut le dernier, et sa mémoire est encore vive dans nos esprits bien qu’il ait disparu en 2001.
Il ne m’épargnait rien, et je travaillais comme un forcené, ne me payait pas très cher, mais quelle récompense d’avoir été à ses côtés !
Il me laissait « faire mon trou », me conseillait en tout début de mon activité, tant s’agissant du dossier que des honoraires que je devais réclamer, me disant à plusieurs reprises que je n’étais pas assez cher et qu’il fallait que je « profite » de l’aura du cabinet !
Ah le cabinet REVEL…aujourd’hui totalement disparu, ayant laissé la place à une étude de notaire, les lieux auraient tellement à raconter s’ils pouvaient parler…
ON a toujours à apprendre des anciens.
Et à mon humble niveau, j’essaie également de transmettre mon savoir.
Depuis juillet, l’arrivée d’un nouveau juriste, Thomas ; la semaine dernière, celle d’une nouvelle collaboratrice avocate, Marion.
Ca fuse, ça disctute, ça échange, ça rectifie…
« Visite l’intérieur de la Terre, en rectifiant tu découvriras la Pierre Cachée ».
C’est ainsi que se transmet le savoir.
Pas de secret : écoute, humilité, émulation, envie de progresser et il est certain que nous avons toujours à apprendre des anciens !
1 Commentaire
Joseph Tzidikmann
Délicieuse lecture » Trouve toi un maître et aime le comme ton père et ta mère. »