L’engagement pour un avocat pénaliste, oui mais jusqu’où ?
Vous aurez compris que « l’avocat pénaliste » est un vocable utilisé pour me désigner car comment imaginer donner un avis, qui plus est si celui-ci est tranché, pour toute une « catégorie » d’individus fussent-ils tous avocats pénalistes ?
La dissertation n’est pas aisée sur le sujet car même si la notion d' »engagement » est, et doit rester la « substantifique moelle » de mon quotidien professionnel, j’ai l’impression qu’il est inné à ce dernier.
Car comment exercer une défense efficiente, voire une défense tout court, sans concevoir l’exercer sur la base d’un engagement ?
Un engagement est en quelque sorte le déploiement et l’application de valeurs que j’ai choisies, qui sont les miennes et qui donnent un sens à mon existence.
Mais un engagement pour quoi, pour qui et surtout jusqu’où ?
Pour quoi ?
J’ai commencé à y répondre :
La substantifique moelle…le moteur, l’énergie, la raison d’avancer chaque jour, trouver sa voie, y croire …
Pour qui ?
Bientôt 18 années de « barre » et la conviction est toujours intacte même si tellement de paramètres changent …
Être au service de…mais attention ! Cela ne veut pas dire se retrouver dans une relation servile à l’égard de qui que ce soit ou de se positionner en mercenaire des prétoires !
Être également au service d’un justiciable que l’on apprécie voire que l’on affectionne au fil des rencontres, et quelles belles rencontres il m’a été permis d’avoir !
Mais accepter également de pouvoir l’être à l’égard celui ou de celle qui ne vous apporte rien, si ce n’est la perception d’honoraires pour un travail effectué …
Jusqu’où ?
C’est là LA QUESTION essentielle qui plus est dans le cadre d’une défense pénale !
L’engagement va t-il, peut-il et doit-il aller jusqu’à la défense d’un « salopard » au yeux de la clameur publique ?
Le regretté confrère Jacques Vergès qu’il m’avait été permis de rencontrer personnellement, en savait quelque chose !
J’aurais tendance à répondre à cette question par l’affirmative, mais encore faut-il croire en l’humain que l’on défend, non pas seulement en sa possible « rédemption » et au travail qu’il devra accomplir sur lui-même face à sa propre conscience mais sur les valeurs d’une société démocratique et humaniste qui doit rendre la justice « au nom du peuple français », sans haine et sans a priori.
Pouvoir tout autant être en mesure de passer de la défense d’un excès de vitesse à un assassinat (que j’aurai l’occasion de plaider dans un mois…), toujours avec le même engagement, la même ferveur, la même lumière…
Mais le tissu de la robe s’use…
la conviction est toujours intacte ai-je dit dans mes précédents propos, mais la candeur et la soif de défendre sont parfois malmenées par le genre humain, pas toujours joli à voir et/ou à entendre …
Doutes, parfois désillusions …
Alors défendre jusqu’où ?
Tout simplement jusqu’à la force d’y croire, sans fioritures, sans faux semblants et surtout peut être sans se tromper dans ses choix de vie et d’action.
Ne jamais s’apparenter en la personne que l’on défend et prendre du recul, tout ceci est assurément salutaire.
Mais s’engager et continuer de le faire en fonction de ses propres convictions et des intérêts de la personne qui vous fait l’honneur de vous confier sa défense ou du moins qui s’en remet totalement à vous.
Voici en quelques lignes ce que m’inspire la notion d’engagement.
Sans celui-ci, point de noble métier…