Le groupe Vinci verrait-il rouge face aux actions des certains « Gilets Jaunes » ?

« VINCI Autoroutes exprime son indignation devant les violences et actes de vandalisme commis sur les sites autoroutiers depuis le début du mouvement des gilets jaunes ».

Voici le tweet que l’on pouvait lire le 16 décembre avant que cette société annonce dès le lendemain, sa volonté de poursuivre (sur un plan civil et non pénal) les utilisateurs du réseau routier n’ayant pas acquitté leur passage au cours des opérations liées au mouvement des « Gilets jaunes », depuis le 17 novembre.

Ceux dont les plaques d’immatriculation ont été détectées par les caméras installées à l’entrée et à la sortie des autoroutes gérées par le groupe devraient ainsi recevoir une facture par courrier postal…

Mais cet effet d’annonce qui fait vivement réagir les internautes, personnalités politiques comprises, peut-il en pratique être mis en place par VINCI, ou s’agit-il d’un coup de bluff ayant peut être pour but d’inciter l’Etat à payer la note globale ?

Pour ma part, je suis très sceptique quant à la mise en place d’une telle action d’envergure, ce d’autant plus que juridiquement, cela pourrait poser au moins 2 difficultés.

  • Comment, légalement, le groupe VINCI pourrait-il avoir accès aux données du système d’immatriculation des véhicules (SIV) pour identifier les véhicules concernés, et s’en servir par la suite sur un plan civil ?

L’article R330-2 du Code de la route prévoit bien que peuvent notamment avoir accès au SIV  « les agents des exploitants d’une autoroute ou d’un ouvrage routier ouvert à la circulation publique et soumis à péage, assermentés …aux seules fins d’identifier les auteurs des contraventions… » ?

Mais il s’agit en l’espèce d’une possibilité d’accès dans le seul but d’agir sur un plan pénal et dès lors de confier les poursuites ultérieures au Ministère public, seul habilité à saisir la juridiction de police.

La première difficulté à mon sens serait la divulgation par le Groupe VINCI d’informations strictement pénales, dans le cadre d’une éventuelle instance civile.

Il n’est pas en effet possible, pour ne pas dire formellement interdit, sans l’accord éventuel du procureur de la République territorialement compétent, de divulguer des pièces pénales dans un procès civil…

Première difficulté à laquelle devrait dans l’absolu faire face le Groupe VINCI !

Sans compter également le travail énorme pour les agents assermentés qui devront visionner toutes les vidéos, ce afin d’identifier une par une les plaques d’immatriculation des véhicules ayant « bénéficié » d’un passage gratuit…

Il conviendrait par suite d’adresser à chacun des intéressés une facture avec un courrier accompagnateur, parfois pour des sommes ne dépassant pas 10 Euros, avec éventuellement un rappel à défaut de règlement spontané, qui devrait nécessairement se faire par la voie recommandée.

Et en cas de défaut de règlement spontané, il devrait y avoir alors saisine de la juridiction de proximité et la présence au procès d’un représentant du Groupe dûment habilité ou bien un avocat, à défaut de quoi l’instance serait déclarée caduque pour absence du demandeur au procès…

 

  • En cas de contestation émise par le « débiteur » d’une telle facture, le Groupe VINCI aura-t-il gain de cause ?

Rien n’est certain, et le contraire peut même être avancé de façon péremptoire.

Un argument pouvant « faire mouche » serait à mon sens très simple à avancer : le Groupe VINCI ne saurait adresser cette fameuse facture qu’au titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule ayant franchi le péage sans s’acquitter du paiement subséquent.

Or, le « débiteur », c’est-à-dire le conducteur « fautif » n’est pas nécessairement le titulaire du certificat d’immatriculation et ne saurait juridiquement être automatiquement désigné par la juridiction civile comme étant le « payeur » !

L’exemple est simple : Mr X prête son véhicule à son fils Mr Y qui franchi le péage sans s’acquitter du montant dû, et Mr X reçoit la facture…

Est-il contractuellement débiteur du Groupe VINCI ? Assurément non car ce n’est pas lui qui conduisait !

Dès lors, la preuve, nécessaire sur un plan civil (mais également pénal…) qui devra être rapportée par le Groupe VINCI, et non par Mr X, sera difficile à établir, pour ne pas dire impossible à démontrer…

Pour conclure, j’ai le sentiment qu’avant de communiquer de cette façon, et au-delà de son « image de marque » qui n’est pas toujours au beau fixe, le Groupe VINCI devrait réfléchir à deux fois avant d’aller plus loin dans ses choix…

Dans le cas contraire, le Cabinet CHANGEUR et toute son équipe veillera au grain et saura vous défendre, fusse symboliquement en vous apportant aide et assistance, n’hésitez pas à nous consulter en cas de besoin.

 

Me Jean-François CHANGEUR

Avocat spécialiste en Droit pénal général et en Droit pénal routier

ANGOULEME-LA ROCHELLE-PARIS-LILLE-LYON-MARSEILLE

 

Cabinet leader en France en matière de Droit routier avec 6 cabinets, 7 avocats et 3 assistantes juridiques.

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