Affaire Radars Facebook, Circulez ! Il n’y a rien à réprimer !
Je reviens sur cette affaire pour laquelle j’intervenais pour l’une des personnes concernées par celle-ci et que j’ai pu assister et défendre par devant la Cour d’Appel de MONTPELLIER.
Préambule : En première instance et en Appel
Plusieurs internautes avaient été poursuivis par le Procureur de la République de l’AVEYRON, au visa de l’article R.413-15 du Code de la route, pour avoir fait usage d’appareil, de dispositif ou de produit permettant de se soustraire à la constatation des infractions routières, en l’espèce en se rendant sur une page internet du réseau Facebook intitulée « le Groupe qui te dit où est la Police en AVEYRON » et en indiquant notamment sur celle-ci la présence des forces de l’ordre sur les routes du Département.
Reconnus coupables et dès lors condamnés par le Tribunal de RODEZ, ils avaient décidé d’interjeter appel, et ils ont été, fort logiquement, relaxés par la Cour d’appel de Montpellier le 23 septembre 2015.
Le Procureur Général avait décidé de se pourvoir en cassation, et c’est dans ces conditions qu’a été rendu par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, le 06 septembre 2016, un arrêt rejetant ledit pourvoi.
Revenons aujourd’hui sur la problématique posée à la Cour de cassation et sa réponse.
La réglementation en vigueur
La réglementation interdit :
Le « fait de détenir ou de transporter un appareil, dispositif ou produit de nature ou présenté comme étant de nature à déceler la présence ou perturber le fonctionnement d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière ou de permettre de se soustraire à la constatation desdites infractions est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
Le fait de faire usage d’un appareil, dispositif ou produit de même nature est puni des mêmes peines.
Cet appareil, ce dispositif ou ce produit est saisi».
Mon intervention à la Cour d’Appel
J’avais martelé devant la Cour d’Appel de MONTPELLIER, qu’un téléphone, même équipé de l’accès internet et/ou doté de l’application Facebook, ne pouvait être assimilé, par sa caractérisation et finalité, à un appareil, dispositif ou produit permettant de déceler ou de perturber le fonctionnement des appareils de contrôle,
Dès lors, si l’on devait suivre le raisonnement du Procureur général, auteur du recours, cela revenait à dire que la Chambre criminelle de la Cour de cassation aurait dû considérer qu’une page « Facebook » était un « dispositif » au sens de l’article R 413-15 du Code de la route !
La loi pénale est rappelons-le « d’interprétation stricte », principe fondamental en ce qu’il protège le justiciable contre l’arbitraire,
Et force est de constater qu’aucun texte ne peut viser précisément l’incrimination de l’utilisation d’une application téléphonique « Facebook », en tant qu’usage d’un dispositif visant à se soustraire à la constatation d’infraction.
Il ne fait nul doute que l’article R 413-5 précité vise bel et bien l’usage d’un matériel palpable à raison de son caractère saisissable et confiscable, et non une page Facebook, sauf à faire dire au texte ce qu’il ne dit pas et à en dénaturer le sens et la portée !
Ou alors, en suivant le raisonnement du Procureur général, auteur du recours, tout deviendrait un dispositif et tout acte serait incriminable : l’appel de phare, l’envoi d’un sms, une simple conversation téléphonique, etc !
Il apparaissait donc spécieux de déduire de la seule présence de l’application relative au groupe en question sur un téléphone portable la volonté de se soustraire aux infractions routières, dont il n’est pas démontré que les utilisateurs se soient soustraits ou permis à autrui de s’y soustraire,
En effet, si l’usager est prévenu de la présence des forces de l’ordre, il reste totalement libre de ses actes, l’application n’ayant ni un effet direct sur la vitesse du véhicule ni la capacité d’empêcher le « flash » du radar des forces de l’ordre si l’usager circule à une vitesse supérieure aux limites autorisées,
La Cour de cassation a parfaitement analysé la question qui lui était soumise et considère à bon droit du reste, qu’un réseau social tel « Facebook », sur lequel les internautes inscrits échangent des informations depuis un ordinateur ou un téléphone mobile « ne peut être considéré comme l’usage d’un dispositif de nature à se soustraire à la constatation des infractions relatives à la circulation routière incriminé par l’article R. 413-15 du Code de la route ».
Le droit a été dit et bien dit !
Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 6 septembre 2016.
Crédit photo : ludovic, image modifiée.